- ÉCOGÉNÉTIQUE
- ÉCOGÉNÉTIQUEDe façon sans cesse plus évidente, des domaines de la biologie en apparence bien distincts lors de leur développement initial sont amenés à traiter conjointement des mêmes problèmes et présentent ainsi entre eux des chevauchements importants. Il est naturel de trouver une telle situation dans le cas de l’écologie, domaine scientifique à la fois très vaste et aux contours relativement flous. Toujours désireux de classer, l’homme cherche à donner un nom à ces secteurs où se recoupent deux et parfois plusieurs disciplines : c’est ainsi qu’on parle d’écophysiologie, d’écoéthologie, d’écogénétique...L’écogénétique, qui peut aussi s’appeler génétique écologique, ou écologie génétique, représente, au sens strict du terme, l’interface entre les deux disciplines à première vue bien distinctes que sont l’écologie et la génétique. Si l’on se reporte aux divers niveaux d’organisation de la matière vivante qui ont été pris en considération pour définir l’écologie et y délimiter les principaux axes de recherche, l’écogénétique doit être située plus particulièrement au niveau des peuplements et à celui des biocénoses. De fait, c’est à ce niveau que la génétique des populations envisage tout spécialement l’étude du processus majeur de l’évolution des organismes, la sélection naturelle ; or les forces sélectives dépendent de façon très stricte des conditions du milieu. Le comportement des divers phénotypes – et donc des génotypes – d’une espèce se trouve devenu ainsi un problème d’écologie, science du rapport entre les organismes et leur milieu. C’est dire aussi que l’évolution des patrimoines héréditaires de toute espèce dépend directement de la composition spécifique de l’ensemble de la biocénose, qui constitue au même titre que les facteurs physiques une composante majeure du milieu. Sans doute faut-il voir d’ailleurs dans ces interactions au sein de la biocénose la clef des mécanismes de l’évolution, parmi lesquels ressort de plus en plus nettement la prépondérance des phénomènes de coévolution.L’écogénétique apparaît ainsi comme l’étude du dialogue entre le génotype et le milieu. Nous envisagerons plus spécialement ici ce dialogue aux niveaux de la population et de la biocénose, et non à celui du phénotype individuel, qui se rattache plutôt au domaine de la génétique physiologique.1. Action sélective des facteurs physiquessur les populations naturellesPour des populations, la réponse aux facteurs du milieu est, dans un premier temps, l’ensemble des réponses individuelles immédiates, c’est-à-dire des accommodats, mais elle est ensuite, et cela même à l’échelle d’une seule génération, la raréfaction, voire l’élimination de certaines formes au sein d’un ensemble polymorphe. Une telle action sélective se trouve bien entendu accentuée considérablement après un nombre suffisant de générations et elle se manifeste alors par une modification qui peut être très grande des fréquences des divers génotypes constituant la population.Sans sous-estimer le rôle de la réponse phénotypique immédiate des individus, réponse qui, dans une certaine mesure, permet à la population de préparer une réponse génétique, c’est à l’examen des modalités de cette dernière que nous allons nous attacher plus spécialement, c’est-à-dire aux processus de la sélection naturelle, fruit de l’interférence entre les caractères génétiques de la population et les conditions du milieu où elle vit.On sait que la sélection est liée au fait que, pour un couple d’allèles A et a, les trois génotypes AA, Aa et aa n’ont pas la même probabilité de participer à la formation de la génération suivante: le nombre moyen de descendants qu’ils donnent n’est pas le même. D’une part, en effet, leur fécondité n’est pas identique, et d’autre part les jeunes à la naissance n’ont pas la même chance d’atteindre l’âge adulte et de se reproduire à leur tour. Ainsi se trouvent définies trois valeurs sélectives 靖1, 靖2 et 靖3, qui sont en fait chacune le produit d’une composante 﨏 liée à la fécondité et d’une composante liée à la probabilité de survie, ce qu’on peut écrire: 靖1 =1 﨏1, 靖2 =2 﨏2, 靖3 =3 﨏3 (cf. génétique des POPULATIONS).Action immédiateContrairement à ce que l’on avait cru initialement, la sélection naturelle peut déjà se manifester de façon nette en une seule génération, ce qui signifie que les valeurs sélectives des divers génotypes sont dans certains cas très différentes, autrement dit les taux de sélection très élevés.Chez la Coccinelle Adalia bipunctata , on a remarqué ainsi que les proportions de la forme noire à taches rouges par rapport à la forme orange à taches noires étaient nettement différentes dans la génération de printemps et dans celle d’automne. De fait, il est apparu que les deux formes supportaient différemment le froid de l’hiver et que par ailleurs elles présentaient des fécondités différentes. Ces différences des valeurs sélectives liées aux facteurs climatiques contribuent, en favorisant une certaine alternance des deux types d’une saison à l’autre, à maintenir le polymorphisme de l’espèce au cours des années.De la même façon, de nombreuses espèces d’Orthoptères se présentent sous deux formes, verte et brune, dont le déterminisme est au moins en partie génétique. Or on a constaté depuis longtemps que les formes vertes étaient favorisées en milieu humide et frais, les formes brunes en milieu sec et chaud. Il a même été vérifié que, dans certains cas, le pourcentage des formes brunes augmentait par élimination différentielle lorsque la saison s’avançait et que l’été remplaçait le printemps: la mortalité frappe davantage les insectes verts, plus nombreux à une température plus fraîche et à une plus forte humidité.Chez l’Escargot des bois, Cepaea nemoralis , espèce hautement polymorphe, les formes jaunes et sans bandes résistent mieux à l’échauffement par le soleil que les formes roses et avec bandes, tandis que la forme à coquille brune supporte mieux le froid [cf. ÉCOLOGIE].Chez les Mammifères, on pourrait citer de très nombreuses observations; on ne retiendra ici comme exemple que la grande sensibilité aux cancers de la peau sous l’action d’une forte radiation solaire des bovins portant le gène du blanc dominant, ce qui exclut pratiquement l’utilisation de telles races dans les régions tropicales. Inversement, les individus à fourrure épaisse, résistant mieux au froid que ceux à pelage moins dense, seront avantagés dans les zones boréales.Action à long termeL’action sélective des facteurs du milieu qui, dans certains cas favorables à l’observation, peut être déjà mise en évidence à l’échelle d’une seule génération se manifeste évidemment avec infiniment plus d’ampleur lorsqu’elle a pu s’accumuler au cours des générations successives. On peut même dire que toutes les populations naturelles de toutes les espèces sont la résultante obligatoire de cette influence du milieu sur le patrimoine héréditaire de l’espèce. La survie même des populations, qui est la manifestation de leur adaptation, ne fait que traduire la réponse génétique qu’elles ont su donner aux conditions ou, pour reprendre l’expression de T. Dobzhansky, au défi du milieu. Dans le règne végétal, il est bien connu que l’adaptation au froid se manifeste par une taille rabougrie (fig. 1), un port prostré donnant des formes tapissantes, un développement très lent (le saule nain des toundras en est une illustration classique). L’adaptation à la sécheresse se traduit par la présence de feuilles plus coriaces, de faible surface, parfois réduites à des aiguilles ou même à des épines, par l’enfouissement de stomates dans des cryptes, par une prédominance des parties souterraines. On a constaté également que les populations de certaines plantes poussant sur des déblais miniers riches en divers métaux lourds prenaient un aspect caractéristique dû à la sélection de certains allèles et à l’élimination de certains autres.L’adaptation des populations naturelles à leur milieu n’est pas moindre dans le règne animal.Chez le Papillon Lymantria dispar , qui possède une vaste aire de répartition dans l’hémisphère boréal, les différences importantes de température selon les régions ont conduit à la formation de races dont certaines n’ont qu’une génération par an et sont ainsi adaptées à une courte saison favorable. Ces adaptations sont génétiquement fixées et persistent en élevage dans des conditions différentes de température.Chez les Drosophiles, les souches provenant des diverses régions de l’aire de répartition présentent, selon la température d’élevage, des développements plus ou moins rapides et des fécondités plus ou moins élevées, dont les valeurs maximales correspondent précisément aux caractéristiques du climat d’où provient la souche. C’est ainsi que des lignées provenant du nord de la Russie ont une vitesse optimale de développement à 15 0C, alors que celles de la même espèce venant du sud de l’Europe se développent plus rapidement à 25 0C: il y a là une adaptation de l’ensemble des génotypes aux conditions du milieu.On a pu parfois pousser plus avant l’analyse et montrer que la valeur sélective de certains gènes ou, comme chez les Drosophila pseudo-obscura étudiées par Dobzhansky, de certaines inversions chromosomiques est étroitement liée aux conditions du milieu (fig. 2). En élevage comme dans la nature, les génotypes qui diffèrent par la présence de ces inversions sont plus ou moins favorisés selon la température: leur fréquence relative varie ainsi suivant la saison, l’altitude et la latitude. Rappelons par exemple les variations saisonnières qui conduisent la fréquence de l’arrangement chromosomique «standard» à une fréquence de près de 70 p. 100 en hiver et à 30 p. 100 en été (cf. génétique des POPULATIONS). Ces mêmes fréquences extrêmes ont été obtenues au laboratoire dans des cages à population en expérimentant à 16 0C d’une part, à 26 0C d’autre part. On voit avec quelle efficacité et quelle rapidité le milieu détermine ainsi la composition génotypique d’une population.D’une manière extrêmement générale, l’action du milieu sur le patrimoine héréditaire des espèces se manifeste par les phénomènes d’adaptation statistique et de convergence des formes: dans un milieu donné, beaucoup d’espèces présentent une morphologie – comme aussi une physiologie – plus ou moins voisine, qui constitue une réponse adaptative aux conditions dans lesquelles vivent ces espèces. Les diverses règles écogéographiques traduisent cette manifestation statistique du parallélisme entre la variation géographique et celle des divers caractères morphologiques adaptatifs [cf. ÉCOLOGIE]. Ainsi, d’après la règle de Bergmann, les races de Vertébrés homéothermes vivant sous des climats froids tendent à avoir une plus grande taille que les races de la même espèce vivant sous des climats plus chauds. De même que, d’après la règle d’Allen, les protubérances du corps, comme le museau, la queue, les pattes, les oreilles, sont plus courtes sous les climats froids que sous les climats chauds.2. Phénomènes biologiques sélectifs au sein des populations naturellesLe milieu physique n’est pas seul à agir sur un être vivant, et les facteurs biologiques constituent eux aussi une composante essentielle de la sélection naturelle. Certains, parmi eux, se manifestent au sein même des populations d’une espèce et peuvent y jouer parfois un rôle essentiel. C’est le cas notamment de la sélection sexuelle , dont Darwin avait fait un élément fondamental de sa théorie de la «lutte pour la vie». Il arrive en effet que, dans certaines espèces, seuls certains individus réussissent à participer à la reproduction, à la faveur par exemple du caractère attractif qu’ils possèdent pour l’autre sexe, ou encore de leurs aptitudes au combat dans les compétitions avec leurs rivaux sexuels.Cette compétition sexuelle est parfois très sévère, surtout dans le cas de certaines structures sociales où se constituent des «harems» importants autour d’un même mâle. Or les caractères qui interviennent dans ces compétitions possèdent en général un déterminisme génétique, qu’il s’agisse de la taille du corps, de caractères de coloration, ou du développement de cornes ou de bois comme chez les Ongulés. On conçoit que des gènes qui favorisent ces caractères puissent alors être sélectionnés avec efficacité et l’on explique ainsi l’évolution rapide de certaines lignées de Mammifères que mettent en évidence les données paléontologiques [cf. PHYLOGENÈSE]. Cette sélection sexuelle prépondérante peut toutefois aller à l’encontre de celle qui tend à la survie de l’espèce! C’est ainsi que l’on a pu expliquer par exemple l’extinction du Cerf géant des tourbières, Cervus megaceros , et l’explication est peut-être valable pour bien d’autres espèces à caractères dits hypertéliques, qui se rencontrent si fréquemment à la fin des lignées évolutives de divers groupes de Vertébrés fossiles. On a d’ailleurs pu mettre en accord ces phénomènes avec un modèle théorique (L’Héritier, 1954).Chez les Drosophiles, matériel de choix pour l’étude de l’évolution, comme pour la génétique, divers auteurs ont mis en évidence un autre phénomène intéressant de compétition intraspécifique entre des individus de génotype différent. Dans une population d’élevage où coexistent des mâles mutants et des mâles normaux, ce sont les mâles du type le plus rare qui ont le plus grand succès dans la compétition sexuelle pour les femelles; ils sont au contraire délaissés lorsqu’ils deviennent abondants (fig. 3). Ce phénomène constitue un mécanisme efficace amenant le maintien de l’hétérogénéité génétique, donc du polymorphisme, dans une population. Il signifie que les valeurs sélectives précédemment définies 靖1, 靖2, 靖3 sont ici des variables qui dépendent de la fréquence relative des génotypes en présence. Fait curieux, le même phénomène existe aussi au stade larvaire: les larves d’un mutant rare sont favorisées dans la compétition très sévère existant dans une cage à population (cf. génétique des POPULATIONS). Il est séduisant d’interpréter ce résultat en disant que les larves des deux génotypes différents n’ont pas exactement les mêmes exigences écologiques: elles occupent deux niches écologiques qui ne se recouvrent pas exactement, possèdent deux manières d’exploiter le milieu de culture qui ne sont pas les mêmes, de sorte que les larves du génotype rare sont soumises à une compétition moins forte et ont donc une plus grande probabilité de survie jusqu’au stade adulte.Dans ce domaine de l’action de la densité, un phénomène intéressant est apparu depuis quelque temps comme ayant une importance très grande: une population dont les effectifs sont en régression, ou même simplement une population stable, n’a pas la même structure génétique qu’une population en expansion. Dans le premier cas, qui correspond à l’existence de fortes pressions défavorables du milieu, on constate en général que les phénotypes des individus sont assez uniformes, car la sélection naturelle, très sévère, élimine rapidement les génotypes extrêmes; on parle alors de sélection normalisante – ou uniformisante. Au contraire, une population en expansion, et donc dans des conditions favorables de milieu, se révèle bien plus hétérogène; de nombreux gènes mutants récessifs peuvent s’y manifester à l’état homozygote. Ce fait a été constaté dans des populations en expansion de Drosophiles, par exemple au printemps et plus encore lors de la colonisation d’une nouvelle aire géographique. Lorsque la population est arrivée à son maximum de densité, elle est alors soumise à une sélection plus sévère: les phénotypes correspondant aux gènes mutés disparaissent et la population devient bien plus homogène dans sa composition apparente; le polymorphisme se réfugie à l’état hétérozygote. Pour parler en termes assez anthropomorphiques, mais qui reflètent bien la réalité, une population pour laquelle la vie est facile tolère un grand nombre de marginaux qui sont éliminés lorsque les conditions deviennent critiques.3. Action sélective du contexte biocénotiqueUne espèce ne vit jamais seule; elle fait partie d’une biocénose complexe où coexistent des espèces diverses et nombreuses. Aussi importe-t-il de rechercher l’influence qu’ont sur elle ces autres espèces qui l’entourent et avec lesquelles elle entretient des rapports. On a pu ainsi, dans de nombreux cas, étudier l’impact qu’exercent sur la constitution génétique des populations d’une espèce un prédateur, un parasite ou un compétiteur.Action des prédateursUn exemple classique d’action sélective des prédateurs est celui du mélanisme industriel des Lépidoptères, particulièrement bien étudié chez Biston betularia , la Phalène du Bouleau (cf. génétique des POPULATIONS). Des observations directes et des prises de vues cinématographiques ont montré que la sélection de la forme foncée aux dépens de la forme claire dans les forêts aux troncs noircis par les fumées était le fait de la prédation des Papillons par les Oiseaux insectivores diurnes. Chassant à vue, ceux-ci repèrent et capturent bien davantage les individus clairs, bien visibles sur les troncs noircis par la pollution. Ces observations ont été confirmées par les expériences de lâcher et de recapture de Papillons marqués qui ont montré que les individus clairs disparaissaient bien plus vite que les individus foncés. Le phénomène inverse s’observe dans les forêts non polluées, aux troncs couverts de lichens de couleur claire.Un autre exemple est celui des Peromyscus , petits Rongeurs très répandus en Amérique du Nord. La couleur de leur pelage rappelle de façon frappante celle du sol de la région où ils vivent: claire dans les sables désertiques, foncée sur les sols noirs basaltiques. Ce résultat est obtenu par la sélection constante par les Rapaces diurnes, qui sont les prédateurs les plus importants de ces Rongeurs, capturant préférentiellement les animaux dont la couleur s’écarte de celle du substrat.En fait, des cas innombrables de ce type pourraient être cités car il s’agit d’un phénomène sans doute omniprésent, celui du camouflage des espèces dans la nature. Ce camouflage peut se présenter comme une simple homochromie de l’animal – ou parfois du végétal – et du milieu où il vit: beaucoup d’Insectes qui vivent sur les herbes vertes sont de couleur verte, d’autres qui vivent sur les herbes jaunes sont eux-mêmes jaunâtres. Le camouflage consiste parfois en des dessins appelés «disruptifs», qui masquent la forme générale de l’animal ou rendent moins visible telle ou telle caractéristique trop reconnaissable de son corps; c’est ainsi qu’une bande sombre horizontale sur la tête dissimule souvent la présence de l’œil. Parfois c’est tout un ensemble complexe de caractères de coloration qui permet le camouflage: un lièvre ou un lapin au gîte, une caille ou une perdrix dans un champ sont ainsi très difficiles à distinguer. La sélection naturelle, sans doute par accumulation de mutants, a conduit à cette adaptation au milieu, hautement protectrice vis-à-vis des prédateurs.Lorsque la pression de sélection se relâche, des mutants de diverses couleurs apparaissent, apportant ainsi la contre-épreuve du rôle de la sélection naturelle: c’est le cas des Pigeons Biset qui ont colonisé toutes les grandes villes d’Europe et dont chacun peut constater la diversité phénotypique considérable. Le même phénomène se retrouve, comme on l’a signalé plus haut à propos des Drosophiles, dans le cas des populations en expansion rapide.La concordance d’aspect du phénotype d’une espèce et du substrat sur lequel il vit peut atteindre un degré de perfection extraordinaire: c’est le cas de certaines ressemblances avec des écorces ou des lichens, des feuilles, des brindilles. Cette ressemblance au substrat – inanimé ou non – conduit au phénomène du mimétisme dit «batésien», où l’objet imité est un autre animal au goût ou à l’odeur désagréable, ou encore susceptible de piquer son adversaire: là encore, des concordances de forme et de coloration obtenues malgré des caractéristiques morphologiques au départ très différentes sont souvent si surprenantes que le biologiste a du mal à croire qu’il puisse s’agir du résultat d’une sélection naturelle progressive due à des prédateurs chassant à vue. Fait à remarquer, le mimétisme des Papillons – comme d’ailleurs leur polymorphisme – est souvent limité aux femelles.Chez les plantes, certaines espèces ont accru leur ressemblance avec des plantes cultivées: c’est le cas de Camelina linicola dont la taille, le port, les fruits se confondent avec ceux du Lin cultivé, et qui se trouve ainsi réensemencé involontairement avec lui.Les facteurs sélectifs du milieu ont parfois pour effet non de remplacer un allèle par un autre mais, au contraire, de les maintenir tous deux en équilibre et de contribuer ainsi au polymorphisme de la population. On a donné à ce phénomène le nom de sélection diversifiante . De fait, comme les milieux naturels sont très souvent hétérogènes, deux ou plusieurs faciès différents peuvent sélectionner en sens inverse certains phénotypes, de sorte qu’au total la population reste polymorphe. Cette interprétation a été proposée dans le cas de l’Escargot Cepaea nemoralis , où la coloration jaune ou rose de la coquille, la présence ou l’absence de bandes sombres constituent des caractères procurant à l’individu un certain camouflage qui dépend du substrat sur lequel il vit. Ce camouflage variable selon le phénotype se traduit parfois par un prélèvement différentiel de la part des Oiseaux qui sont leurs prédateurs habituels: les Grives. Un tel mode de sélection interfère avec l’action sélective des facteurs physiques comme la température, l’insolation, l’humidité, eux-mêmes différents selon les milieux [cf. ÉCOLOGIE].On retrouve également dans certains cas d’action des prédateurs un phénomène qui conduit à un avantage du type rare: c’est la «sélection apostatique», dont l’explication repose sur l’existence, chez le prédateur visuel, d’une «image de recherche» qui l’entraîne à voir, et donc à capturer, préférentiellement la forme la plus commune d’une espèce polymorphe.Bien entendu, l’action sélective du milieu par le canal du camouflage ou du mimétisme ne se manifeste pas au niveau d’un seul locus. La réalisation d’un phénotype avantageux met en effet en jeu un nombre parfois important de gènes, qu’il s’agisse de gènes majeurs ou de gènes modificateurs. La sélection, dans ces conditions, va jouer également sur la liaison de ces divers gènes: elle tendra à les rapprocher sur un même chromosome, et même, par la voie des inversions, à en empêcher la disjonction qui en détruit l’effet favorable. On a pu mettre ainsi en évidence, dans plusieurs cas, qu’il s’agisse de l’Escargot Cepaea nemoralis ou de diverses espèces de Papillons mimétiques, la formation d’un groupe de gènes étroitement liés, groupe que l’on appelle un «supergène» parce qu’il se transmet en bloc, si l’on excepte quelques très rares recombinaisons.Action des parasitesL’action sélective des parasites fait intervenir des mécanismes en apparence tout différents, qui sont à la fois plus imprévisibles et plus difficiles à détecter.Un cas curieux étudié par Ford est celui du Papillon Maniola jurtina , qui porte à la face ventrale des ailes postérieures un certain nombre d’ocelles, variable de 0 à 6 suivant les individus dans une même population. Dans la nature, les individus présentant un nombre élevé d’ocelles sont toujours rares; ils sont au contraire abondants en élevage. Cela est dû au fait qu’ils sont, à l’état larvaire, très sensibles à l’attaque d’un petit Hyménoptère parasite qui infeste les chenilles dans les champs mais ne peut attaquer les élevages.Des faits du même ordre sont établis dans le domaine de la génétique humaine. Des statistiques portant sur d’énormes effectifs, principalement aux États-Unis, ont montré que les individus de groupes sanguins différents ne réagissent pas avec la même sensibilité à de nombreuses maladies infectieuses; c’est là une importante contribution objective à la notion de terrain , que la médecine a reconnue depuis longtemps sans réussir tellement à la cerner et à la définir [cf. HISTOCOMPATIBILITÉ ET SYSTÈME HLA].Beaucoup de chercheurs en biologie humaine considèrent même que certaines caractéristiques fondamentales de ce que l’on appelle des races humaines ont été sélectionnées par des conditions ambiantes particulièrement sévères à l’époque où la mortalité dans les populations était très élevée et où les hommes, très sédentaires, restaient dans les mêmes conditions de milieu assez longtemps pour que celles-ci puissent jouer un rôle important dans la sélection.Action des compétiteursLa compétition entre espèces agit, elle aussi, sur leur constitution génétique au même titre que la prédation et le parasitisme. Lorsqu’une population d’une espèce envahit une région où ses compétiteurs sont différents, sa niche écologique se trouve modifiée et elle répond à ce changement par une évolution de son patrimoine héréditaire: c’est un phénomène fréquent et particulièrement net dans les populations insulaires. Lorsque ses compétiteurs sont moins nombreux, ou même absents, une espèce occupera un plus grand nombre de milieux – sa niche écologique devient plus large – et son hétérogénéité génétique s’accroît. Cette hétérogénéité peut même conduire plus tard à la formation d’espèces distinctes, à la faveur d’isolements géographiques: c’est l’aventure des fameux Pinsons des Galapagos chez qui, à partir d’une forme ancestrale sans doute unique, se sont différenciés des types écologiques bien distincts correspondant à une série d’espèces maintenant bien individualisées.Inversement, deux espèces très semblables, dont les aires de répartition se chevauchent, ont tendance en général à exagérer leurs différences dans les régions où elles coexistent (fig. 4). Elles peuvent de la sorte occuper des niches écologiques moins proches l’une de l’autre et se faire une concurrence moins sévère: c’est l’effet Wallace . Cette divergence entre des espèces récemment différenciées et revenant en contact après spéciation joue sans doute un rôle important dans leur évolution future.écogénétique [ekoʒenetik] n. f.❖♦ Didact. Étude des différents types génétiques d'une espèce, relativement aux diverses caractéristiques du milieu naturel (→ Écotype) et des variations phénotypiques dues au milieu (→ Accommodat, écomorphose).
Encyclopédie Universelle. 2012.